Connexion joueur-personnage 2

Ombre

Pour les innombrables visiteurs qui découvriraient ce blog aujourd’hui (soyons fous), ce billet fait suite à celui de la semaine dernière, à propos de mon pj pare-balles, qui lui-même n’a rien à voir avec le pj de Schrödinger de la semaine précédente.

S’il est besoin de le préciser, je cherche moi aussi à établir un lien fort avec mon personnage. Ce n’est pas parce que je ne suis pas mon personnage que je ne ressens ni empathie, ni compassion, ni sympathie pour lui. Ça ne veut pas dire non plus je ne joue pas sincèrement. Mais, pour établir un lien qui ne soit pas fusionnel, qui ne soit pas une projection de moi-même ou de mes fantasmes, j’ai besoin qu’il existe une cible au bout du lien.

1 – Matérialiser une présence pour moi et pour les autres

En termes d’outils pour faire exister mon pj à la table, j’ai évidemment tout le champ de l’interprétation (au sens théâtral du terme) que je peux investir. Quand j’y arrive. Mais c’est difficile d’interpréter un personnage dans un contexte dénué de théâtralité.

J’attire votre attention sur le dernier podcast des Carnets ludographiques de Kobal et Wenlok qui détaille largement les possibilités d’interprétation pour les MJ et leurs pnj.
Un bémol tout à fait personnel sur ce qui y est conseillé : je ne suis pas du tout à l’aise avec l’idée d’entrer dans l’espace intime d’un autre joueur, parce que je ne supporte pas qu’on entre dans le mien. Je n’aime pas qu’on me touche, par exemple. A notre table, les gestes de contact (coup de poing viril dans l’épaule, main posée sur un bras, poignée de mains, etc.) sont esquissés mais dans le vide, sans se toucher même si nous sommes côte à côte.

L’incarnation

A notre table, on a tout concentré sur la voix, la façon de prendre la parole, les regards et les expressions des visages. Il arrive que les mains, les épaules, les torses entrent en jeu, mais rarement.
Il y a deux semaines, quand le boss du FBI a dit « Bon, il faut que ça avance, c’est l’équipe d’O’Bannon qui reprend le dossier », on a tous instinctivement ou délibérément bombé le torse et levé le menton. L’équipe d’O’Bannon, c’était nous.

Avant de jouer, je me demande toujours comment mon pj va parler, quelle voix il a, comment il se positionne physiquement dans le groupe, etc. Je ne vais pas prétendre que je suis douée, ni subtile dans l’exercice. Pour l’instant, je tourne sur trois archétypes : la faiblesse/gentillesse ; la dureté/violence ; la brutalité/stupidité. Mais plus je joue, plus j’essaye des choses (plus je me plante aussi) plus je vais enrichir le catalogue d’émotions et de caractères que je vais pouvoir incarner. Mon book de personnages, c’est un peu ma richesse de joueur. J’ai démarré avec rien, et je travaille à l’épaissir. Je pars d’un archétype que je connais et j’essaie de ne pas retomber sur un personnage que j’ai déjà joué, mais d’explorer une autre facette, de creuser une autre évolution pour ce caractère.

Le regard des autres

Dans ma façon de concevoir un pj, s’il n’existe que pour moi alors il n’existe pas vraiment. Et c’est effectivement le cas avant qu’on commence à jouer. J’ai beau avoir réfléchi à un background, avoir échangé avec le MJ ou les autres joueurs, avoir ma fiche de perso remplie sous les yeux, tant que je ne l’ai pas mis en jeu avec les autres, je ne sais pas moi-même qui il est. Je ne suis donc pas la seule à définir mon pj à la table. Il existe aussi par et pour les autres.

La façon dont les autres personnages (pj ou pnj) réagissent à sa présence ou se positionnent par rapport à lui, à ses actes ou à ses choix, matérialise mon pj à peu près aussi sûrement que moi je le ferai. Ce n’est pas pour rien que la plupart des jeux aujourd’hui, ou des MJ pour les jeux plus anciens, proposent dès le départ de lier les pj à d’autres personnages ou entre eux, pour soutenir cette matérialisation collective.

Au-delà des personnages, la façon dont les autres joueurs réagissent à ce qu’il fait lui donne un surplus d’épaisseur, par leurs commentaires, leur approbation ou désapprobation, ce qu’ils attendent de lui ou pas. Ça vaut le coup de les écouter et de prendre leur avis en compte.
Il faut être honnête, je compte énormément sur les autres surtout parce qu’ils ont de meilleures idées que moi et leur imagination est plus riche que la mienne. A un moment, ce sont eux qui nourrissent mon pj. Moi je n’ai qu’à écouter et à leur donner raison. Je ne dis pas que je vais me laisser porter totalement, tout le temps et sur n’importe quel sujet. Mais, des fois, écouter ce que les autres comprennent ou retiennent de mon pj, ça peut m’aider à lui donner une richesse et une épaisseur que je ne soupçonnais pas.

Parfois c’est l’inverse, ça m’aide au contraire à savoir ce que je dois mieux montrer de mon perso (ou montrer autrement), parce que manifestement ils ont une image faussée de ce que je veux jouer. Dans ce cas-là, je considère que je n’ai pas raison envers et contre tous parce que hé c’est mon bonhomme. Ce que les autres en voient reste valable, à mon avis. Tout comme la réputation de quelqu’un peut être assez différente de ce qu’il est en réalité, quand on le connaît mieux. A moi de rectifier le tir par son attitude et ses actes, par les intentions que j’explicite, etc. ou de jouer ce décalage avec les autres.

Son empreinte sur le monde

C’est un peu la même chose que le regard des autres : si l’univers réagit à sa présence, si ses actes et ses choix ont des conséquences, s’il laisse une empreinte sur le monde, alors mon pj existe vraiment pour moi et pour les autres. Si l’histoire se déroule exactement comme s’il n’était pas là (ou comme s’il n’était pas lui, avec sa propre attitude, son propre caractère, ses choix à lui), je n’ai pas tellement l’impression de « faire exister un personnage ».
Et vice-versa, en retour j’essaie de faire en sorte que le monde ait une empreinte sur lui, qu’il se construise au fil des épreuves, qu’il s’épaississe, qu’il devienne plus riche en nuances et en subtilité. Voire qu’il change carrément de trajectoire de vie.

Un exemple sur une bataille finale qui devait clôturer notre 1ère saison d’une campagne de Bloodlust Metal. Mon pj, l’orpheline psychopathe tueuse à gages que j’ai déjà évoquée ailleurs, se trouvait à l’extérieur d’une bourgade assiégée. Elle a eu l’opportunité de faire une vraie différence en allant assassiner un chef brigand au sein du camp ennemi. Bon. Elle s’est foiré méchamment. D’une petite psychopathe persuadée qu’elle pouvait se faire le monde à elle toute seule, elle est passée loque humaine à moitié morte, se traînant parmi les sangsues pour se réfugier auprès de son mentor.
Dans cet exemple, mon pj a eu sa chance de laisser une empreinte sur le monde. Elle l’a ratée (je l’ai ratée aussi) mais en retour le monde a laissé une empreinte sur elle. Ce qui m’a ouvert de nouvelles possibilités pour dévier sa propre trajectoire, notamment par l’apprentissage d’une certaine humilité.

2 – La sincérité

Revenons à la connexion. Quand je joue un personnage, je ne cherche pas à décrire aux autres joueurs un personnage de film ou de roman.
C’est un déclic mental qui a mis un peu de temps à venir dans ma pratique de l’improvisation mais qui n’est pas réversible, je pense : c’est le passage en caméra intérieure. Si je m’imagine que je suis un chat qui marche sur le faîte d’un toit, je ne vois pas le chat. Je vois le toit autour de moi, s’il est humide ou sec, glissant ou rugueux, j’imagine la douceur de l’air, la nuit qui s’éclaircit, les ronronnements de moteurs au loin, etc. Mais je ne vois pas le chat, pas plus que je ne vois mon propre visage quand je marche.

Quand je joue mon personnage, je cherche à partager des émotions. Mon pj est avant tout un champ de bataille d’émotions contradictoires. Je sais rarement à quoi il ressemble physiquement, et j’ai rarement l’occasion de le décrire (ou en tout cas je la saisis rarement). Mais, dans mon idéal, les autres savent quand il est triste et pourquoi il l’est. Les autres voient s’ils lui ont fait du mal ou s’ils l’ont réconforté, s’il a besoin d’aide ou s’il a un cap, s’il est dominant dans cette conversation ou s’il se couche. Je ne crois pas que ce soit la façon courante de procéder en jdr. Je ne pense pas que la mienne soit meilleure, pour le coup, parce qu’elle a ses limites. Mais je vous la propose néanmoins.

Je crois que la clef pour moi tient dans le fait que j’essaie toujours de jouer avec sincérité. Si mon pj est assez épais pour encaisser le regard des autres sur lui, je peux me permettre d’être sincère. Je peux jouer la tristesse, s’il est évident que ce n’est pas la mienne, mais la sienne. Ce sera quand même une tristesse sincère et elle me remuera le ventre. Mais ça n’aura rien à voir avec ma propre tristesse. J’aurais de l’empathie et de la compassion pour mon pj, mais moi je serai en sécurité.

Je crois que quand je parle de sincérité, je veux dire, entre autres et plus prosaïquement, jouer au premier degré. Je me suis rendu compte récemment sur une partie de cape et d’épée d’Inflorenza, que je bousillais ma propre narration en soulignant à chaque fois à quel point j’étais dans le cliché du genre, avec des adverbes comme « évidemment », « bien entendu », etc. Jouer au premier degré, ça ne veut pas forcément dire qu’on n’est pas conscient du cliché, ou du piège du scénario, ou qu’on n’a aucun recul sur ce qu’on fait. Mais simplement que ce n’est pas une raison pour ne pas y aller à fond, sans se regarder jouer, sans montrer aux autres le joueur qui dépasse et qui leur dit non mais regardez ce que je suis en train de faire, que ce soit pour sous-entendre que c’est super naze ou qu’il se kiffe trop.

Aparté : je sais très bien que ça ne colle pas avec ce que j’ai dit par ailleurs sur le collectif. Il est impossible de jouer à la fois un personnage au premier degré et d’envoyer régulièrement des signaux aux autres joueurs de est-ce que ça va/ça va et d’expliciter en sous-titre ses intentions de joueur et les intentions du pj. On ne peut pas tout faire en même temps.
Ce n’est pas une contradiction : je considère mon rôle de joueuse comme un switch permanent entre plusieurs états. Quand je joue mon pj, j’essaie de jouer vraiment mon pj comme s’il était assis à la table ; quand je reprends de la hauteur, je fais gaffe aux autres et à l’effet que mon jeu a sur eux ; et quand je suis spectatrice, je m’autorise à commenter, applaudir, souligner, etc. Et j’alterne ces états en permanence, de façon plus ou moins fluide, plus ou moins claire, et plus ou moins contrôlée. Mais c’est une autre histoire.

Enfin, pour aller chercher la sincérité, j’ai besoin d’être en confiance et d’avoir le contrôle. Le décalage entre mon pj et moi, c’est une façon parmi d’autres pour canaliser l’émotion, la maîtriser et pouvoir jouer avec.
A Sens Mort, où nous avons eu quelques scènes très incarnées et intenses, nous avons beaucoup mis l’accent sur ce décalage. Quand mon pj s’est vu proposer un catch avec un pnj particulièrement badass, j’ai hésité à le jouer (fin de séance, fatiguée, vidée, etc.) et les autres joueurs m’ont poussée à le faire (on veut la scène, allez). Dès que nous avons basculé en incarnation, mon pj a présenté la décision comme sienne et les autres pj ont réprouvé totalement son choix. C’était l’exacte inversion des positions des joueurs, mais nous avons pris d’autant plus de plaisir à incarner cette opposition qu’on savait tous qu’elle les concernait eux, et pas nous.

Et au contraire, quand mes sentiments peuvent prendre le pas sur ceux de mon pj, je me paralyse. Les effets s’annulent au lieu de se démultiplier.
Il y a quelques semaines, lors d’une partie de Sens Néant, je me suis retrouvée dans une situation où l’exaspération de mon pj et la mienne étaient parfaitement alignées, son impuissance et la mienne parfaitement superposées. Je n’ai pas su jouer le mouvement le colère. Quelque part, il y a la crainte (à mon avis justifiée) que si je joue ma propre colère, je ne suis plus sous contrôle, je ne suis plus protégée. Mes sentiments à moi m’échappent et m’exposent.

Comme je l’ai dit dans les commentaires du précédent billet sur la connexion joueur-personnage, je ne sais pas quoi en penser. Je ne sais pas si c’est un fonctionnement courant de joueur en jeu, ou si c’est une limite et une façon de jouer qui m’est extrêmement personnelle et par conséquent d’un intérêt très restreint pour vous. Je vous laisse juges.

crédit photo : TU Nantes (CC BY-NC-ND 2.0)


2 responses to “Connexion joueur-personnage 2

  • tom

    Encore un superbe article (ca devient une habitude décidément) en plus tu parles de sens alors que demander de plus.

    blague a part parlons plutôt du contenu.

    J’ai vraiment l’impression que tu as vraiment bien cerné les différentes influences qu’il peut y avoir sur le personnage. Tu as réussi à bien les mettre en évidence au vu de ton plan. D’abord celle du joueur lui même. C’est vrai que d’une certaine façon nous sommes son auteur, nous lui donnons son identité et ce n’est pas toujours chose aisé que de se le représenter. Cela fait un peu écho à l’un de tes précédents billet où tu parlais un peu des choses que nous pouvons jouer et ne pas jouer. C’est notre zone de confort, ca à quelque chose de réconfortant d’utiliser des choses que l’on connait et qu’on a le sentiment de maîtriser. Mais comme tu le dis, se n’est qu’un début car le jeu nous emmènes souvent sur des chemins inexplorés et qui vont nous permettre de découvrir des facettes que nous ne pensions pas avoir dans notre éventail d’interprétation. Je suis moi même parti avec mon premier personnage sur le registre du badasse épique mais à un moment j’ai senti que ce n’était plus tenable au vue du parcours de mon personnage et je me suis donc abandonné à un autre registre même si parfois la nostalgie me prend en repensant au début de la campagne (j’essai de concilier les deux). C’est là où l’on peut dire qu’une certaine sincérité s’installe entre le joueur et le personnage. Nous le jouons avec cohérence par rapport à son vécu et à un moment l’on peut se demander si nous le jouons toujours où si ce n’est pas le jeu qui nous oblige à le jouer de telle manière.
    Je m’attache toujours à rechercher une cohérence dans les actes de mon personnage mais forcé de constater qu à un moment cette cohérence nous parait évidente et que lorsque l’on regarde son parcours on se dit qu’il n’aurait pas pu être différent.
    La sincérité dans notre façon de jouer notre personnage ne peut qu’amener à la cohérence de son histoire et c’est donc très bien que tu le soulignes.

    Je suis aussi entièrement d’accord avec toi sur l’influence des autres pj et joueurs sur notre personnage car tout l’aspect psychologique du personnage n’est pas à leur accès vue que cela se passe dans notre tête et il est parfois délicat de le matérialiser. S’est pour ça qu’il faut encourager les interactions sociales pour pouvoir développer au maximum cet aspect psychologique. Interagir permet la confrontation d’idées, offrant ainsi au personnage des perspectives d’évolution et de la profondeur. Si l’on est là que pour se braquer et ne jamais changer d’opinion ou de comportement autant jouer tout seul. Ces interactions peuvent mêmes nous conforter dans nos choix donc autant en profiter.

    J’aimerai aller plus loin que ta distinction tri partites et apporter un autre élément car l’on parlait de ton article avec mon mj de Sens. Cela ne concerne pas forcément le personnage mais l’influence du jeu et des autres joueurs. Toi qui joues à Sens hexalogie tu as du remarquer aussi que le jeu peut avoir des influences sur le joueur. On est en présence d’une catégorie de jeux qui s’adresse aussi aux joueurs pour les faire réfléchir or ils amènent des confrontations d’opinions intéressantes entres joueurs sur le monde qui les entoures pour venir remettre en question nos certitudes. Les problématiques de certains jeux quand elles sont biens amenées et intéressantes nous poussent à penser ou ouvrir les yeux sur des problèmes que nous ne percevions pas. Et c’est notre personnage qui sert ici d’intermédiaire pour faire passer un message.

    Pour revenir sur la façon de jouer comme tu le dis « chacun sa méthode » mais expliquer la tienne peut être une source d’inspiration ou aider des joueurs qui auraient du mal à bien rentrer dans leurs personnages. Personnellement j’essai toujours de tendre au maximum vers mon personnage en essayant de me laisser porter par lui. Je cherche à réduire cette barrière qui nous sépare et je dois bien reconnaître qu’a des moments l’on ressent les mêmes émotions ou des émotions si semblables que je ne sais même pas si c’était vraiment de l’empathie (nous avons eu peur ensemble, été triste pour la perte d’un pnj etc). Il arrive des moments où je suis conscient que la table est là mais je ne la vois simplement plus étant tellement absorbé par le jeu. Cette barrière qui persiste me permet juste d’être moins touché que lui. Après ca ne se produit pas forcément sur tous les jeux. En l’espèce il s’agissait de mon premier personnage, de ma première expérience de jeu de rôle alors peu être que l’inexpérience m’a conduit à être très proche de mon personnage. C’est cette idée du moi idéalisé que tu expliquais dans un autre billet. Peut etre est ce aussi lié au jeu auquel on joue car certains doivent plus nous correspondre, facilitant ainsi notre immersion. Avec le temps l’on apprend à jouer des choses plus éloignées de nous et une certaine distance semble s’établir nous permettant d’être plus dans le contrôle mais j’aime les deux expériences. J’apprécie quand même de jouer avec les émotions car l’imagination visuelle n’est pas mon fort (je me contente de grossières descriptions mais je n’ai jamais une image en tête des décors où personnages. Je les perçois plus au vu des sentiments qu’ils m’inspirent). J’ai l’impression qu’il n’y a pas pour autant de grandes différences dans nos façons de jouer.

    En tout cas cette discussion me fait repenser au dernier podcast de la cellule sur l’immersion et la réflexion car romaric maxime et morgane y expliquent qu’il y a pleins de façons de jouer mais également de techniques et de sortes d’immersions. (entre autre)

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    • Eugénie

      Edit : (elle en oublie la politesse) Merci à toi pour ton commentaire, c’est très dense comme d’habitude, et du coup je suis obligée de prendre du temps avant de répondre… Je n’ai pas répondu sur tes remarques de ressenti, ton premier perso, tes émotions, ton immersion, parce que je ne sais pas quoi en dire, mais je les lis avec intérêt. Merci à toi.

      C’est là où l’on peut dire qu’une certaine sincérité s’installe entre le joueur et le personnage. Nous le jouons avec cohérence par rapport à son vécu et à un moment l’on peut se demander si nous le jouons toujours où si ce n’est pas le jeu qui nous oblige à le jouer de telle manière.
      Je m’attache toujours à rechercher une cohérence dans les actes de mon personnage mais forcé de constater qu à un moment cette cohérence nous parait évidente et que lorsque l’on regarde son parcours on se dit qu’il n’aurait pas pu être différent.

      Je crois que ça n’est pas exactement ce que je veux dire. Sur la cohérence des trajectoires, il y a à mon avis toujours plusieurs parcours possibles, et même si le perso s’est enfermé (ou que tu l’as enfermé) dans une spirale irréversible, il y a toujours des choix qui brisent la boucle. La question est de savoir les identifier et les mettre en jeu. Mais je ne crois pas qu’il y ait une cohérence inamovible… En l’occurrence, quand je regarde le parcours de mes personnages, je vois bien à quels moments ils auraient pu faire de choix différents et devenir d’autres personnes que ce qu’ils sont devenus.

      La sincérité dans notre façon de jouer notre personnage ne peut qu’amener à la cohérence de son histoire et c’est donc très bien que tu le soulignes.

      En fait, quand je parle de sincérité, je parle plutôt d’émotion sincère que de cohérence. Je ne suis pas sûre qu’il y ait une causalité entre les deux… tu penses que si ?

      J’aimerai aller plus loin que ta distinction tri partites et apporter un autre élément car l’on parlait de ton article avec mon mj de Sens. Cela ne concerne pas forcément le personnage mais l’influence du jeu et des autres joueurs. Toi qui joues à Sens hexalogie tu as du remarquer aussi que le jeu peut avoir des influences sur le joueur. On est en présence d’une catégorie de jeux qui s’adresse aussi aux joueurs pour les faire réfléchir or ils amènent des confrontations d’opinions intéressantes entres joueurs sur le monde qui les entoures pour venir remettre en question nos certitudes. Les problématiques de certains jeux quand elles sont biens amenées et intéressantes nous poussent à penser ou ouvrir les yeux sur des problèmes que nous ne percevions pas. Et c’est notre personnage qui sert ici d’intermédiaire pour faire passer un message.

      Alors je vais avoir du mal à réagir de façon intéressante là-dessus parce que justement c’est quelque chose qui m’a profondément déplu à Sens. Le fait que le jeu (mais j’imagine que ça doit arriver via certains MJ sur d’autres jeux) utilise mon pj pour m’atteindre moi joueuse, pour ma sensibilité, c’est l’équivalent d’une sécurité qu’on fait sauter au pied de biche. C’est au mieux inélégant, au pire détestable. Je crois que je ne suis pas faite pour ces jeux-là.

      Personnellement j’essaie toujours de tendre au maximum vers mon personnage en essayant de me laisser porter par lui. Je cherche à réduire cette barrière qui nous sépare […]

      Je suis d’accord avec cette première phrase. Mais, pour reprendre l’image de la barrière, je ne cherche pas à la réduire, plutôt à savoir passer d’un côté ou de l’autre à volonté, et de façon immédiate et intense. Mais je n’y arrive pas toujours, j’ai surtout besoin de temps (notamment pour matérialiser un pj qui ait suffisamment d’épaisseur). C’est pour ça par exemple que le jeu en campagne me convient mieux.

      J’ai l’impression qu’il n’y a pas pour autant de grandes différences dans nos façons de jouer.

      Non, c’est vrai… ^^

      En tout cas cette discussion me fait repenser au dernier podcast de la cellule sur l’immersion et la réflexion car romaric maxime et morgane y expliquent qu’il y a pleins de façons de jouer mais également de techniques et de sortes d’immersions. (entre autre)

      Oui, c’est un chouette podcast. Cette façon d’aborder l’immersion ne me convient pas pour ma pratique, mais j’aime beaucoup que les questions soient posées et que la recherche reste ouverte.

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