Présenter un jeu

Octogônes approche et comme chaque année les Courants Alternatifs y matérialiseront un stand avec des nouveautés et nos désormais « classiques ». Je ne te cache pas que l’ambiance de menaces de mort sur des personnes que j’admire a un peu refroidi l’enthousiasme, mais ce sera néanmoins un vrai plaisir de les retrouver là-bas, et de t’y retrouver aussi.

Sur le stand, il y aura (entre autres pépites en tous genres) des stocks de Bois Dormant de Melville et La Clé des nuages / La Clé des songes de kF et Côme Martin, n’hésite pas à venir les feuilleter ou en discuter !

J’en profite pour faire tourner mes trucs&astuces pour présenter un jeu, que ce soit au téléphone avec une boutique, à l’écrit sur une page itch.io, ou face à un rôliste curieux en convention. L’exercice n’est pas évident, j’ai aussi mon lot de ratages de pitch et de rencontres loupées, mais voilà mon petit manuel perso.

Quoi dire et quoi taire ?

En ce qui me concerne, la difficulté de l’exercice c’est de faire concis tout en donnant une bonne idée de ce qu’est le jeu et en quoi il mérite de s’y intéresser.

Et il y a deux gros fossés à éviter amha :

  • ne pas en dire assez : c’est le cas de beaucoup de jeux sur itch.io qui ont à peine un pitch ou une belle illustration et qui laissent la charge de la curiosité aux futurs lecteurs ou lectrices potentielles ;
  • en dire trop avec trop de détails : à un moment mon interlocuteurice ne pense qu’à une chose, « comment se tirer de ce traquenard »… L’exemple classique, c’est de commencer par pitcher la genèse d’un univers et détailler son panthéon de divinités, puis détaillerles différents types de magie, etc.

Ma stratégie, c’est d’essayer de signaler à la fois en quoi le jeu ressemble à d’autres trucs cools qu’on connaît déjà, et en quoi il est original et spécifique.

Le dispositif

Tu l’auras remarqué, les évidences sur ce qu’est un JDR par défaut ont un peu bougé ces dernières années. La variété des possibilités fait que ça vaut vraiment le coup aujourd’hui de préciser les modalités du jeu à la base, pour le situer rapidement :

  • avec ou sans MJ, ou MJ tournant, ou autre ;
  • avec ou sans scénario, ou préparation en amont de la partie ;
  • pour combien de personnes (solo, jeu à 2, 3-5 personnes, ou plus…) ;
  • pour de la campagne ou du one-shot ou les deux ;
  • pour des parties de quelle durée (sur le pouce, 2h, 4h ou plus… ) ;
  • avec quel genre de matériel (aucun, dés, cartes, jetons, épistolaire, uniquement en virtuel, etc.)

Le genre

L’ambiance du jeu est importante, mais le canon esthétique seul ne dit pas tout. Il y a plein de façons d’aborder un univers ou d’investir un genre de référence. Là aussi, il s’agit de donner des infos qui aident à se faire une meilleure idée et à évacuer les malentendus.

Par exemple, La Clé des nuages est un jeu de mage, de quête et de ruines mystérieuses. Si je ne précise pas qu’il s’agit d’un jeu poétique et symboliste, un rôliste vétéran serait tout à fait en droit de s’attendre à de l’exploration de donjon. Et je n’aime pas décevoir.

C’est pourquoi j’essaie de combiner des catégories sur ces trois axes :

  • Genre d’univers : medfan à la Tolkien, post-apo cra-cra, surréaliste années 30, etc.
  • Genre rôliste : OSR, PbtA, BoB, jeu centré sur les personnages, jeu d’enquête, jeu d’aventure, tranche de vie, jeu poétique, etc.
  • Inspirations/références : à la manière des films des frères Cohen, inspiré de Dark Souls, une façon de jouer du Full Metal Alchemist, etc.

Les personnages

Une bonne façon de donner envie, c’est d’annoncer quels types de personnages incarnent les joueuses et ce qu’ils font dans la fiction. Je prends rarement le temps ou l’espace de détailler des classes de perso ou d’expliquer l’historique de lignées, ou la métaphysique de superpouvoirs… sauf si la personne est accrochée et veut en savoir plus. Mais de prime abord je pose juste grosso modo quel genre de personnages on a et qu’est-ce qu’ils font là ?

« des aventuriers qui écument des lieux maudits à la recherche de trésors »

« les piliers d’une communauté basée sur la non-violence qui tentent de construire une société nouvelle »

« des adolescents à la recherche de leur ami disparu dans un Mall bizarre et dangereux »

Les mécaniques

Pointer rapidement ce sur quoi les mécaniques mettent l’accent, ça permet aussi de donner une idée de ce que les joueuses font concrètement dans le jeu. Là aussi, j’évite souvent de m’embarquer dans les détails, l’équilibrage, les bonus et malus… sauf questions et intérêt acté.

« Une économie de jetons invite à appeler à l’aide, à se porter au secours des autres et à prendre des décisions collectives. »

« En fonction des jets de dés, on écrit ou raye des phrases qui sont la fiche de personnage, et les règles du jeu font vriller leur parcours entre nos mains de façon inattendue. »

L’interlocuteurice

Last but not least : je fais gaffe à qui je m’adresse et dans quel contexte. Comme toute interaction sociale, je dis pas que j’ai jamais eu des loupés, mais j’essaie de faire gaffe.

Déjà sur le temps d’attention que la personne a l’air prête à m’accorder. Si je n’arrive pas à savoir, je laisse des portes ouvertes : à une boutique au téléphone « est-ce que vous avez 5min pour en parler ? », dans un mail de présentation pour un média rôliste « toutes les infos sont en pièce jointe / au bout du lien ». IRL, si je vois des signes d’impatience, j’essaie de conclure au plus vite.

Et sans être mentaliste, j’essaie de voir ce qui fait tilt chez la personne :

  • dans sa façon d’appréhender le JDR : j’évite de balancer avec aplomb « c’est du PbtA dans le rainyverse » comme si la personne savait forcément de quoi je parle. Je tâte le terrain : « vous connaissez Apocalypse World ? », « vous voyez un peu l’univers de Vivien Féasson ou pas ? » Je n’évoque pas forcément les mêmes aspects du jeu si je m’adresse à un rôliste tradi de longue date ou à quelqu’un au taquet sur la théorie rôliste alternative ou encore à quelqu’un qui découvre le JDR. Je précise que je ne trie pas les jeux pour la personne en fonction de ces critères-là, j’essaie juste d’adapter la façon dont j’en parle pour que ça lui parle.
  • ses goûts, ce qui a l’air de la botter ou pas, ce qui fait s’allumer ses yeux ou au contraire reposer vite fait le jeu. Souvent je demande carrément : qu’est-ce qu’elle aime, qu’est-ce qu’elle aurait envie de découvrir, qu’est-ce qui l’intéresse, qu’est-ce qu’elle a déjà joué… Et je suis honnête : si la personne ne kiffe pas le jeu sans MJ, je ne lui fourgue pas Bois Dormant au prétexte que « celui-là est tellement bien ça te fera changer d’avis ».

Pour une boutique ou un média (au sens large), je fais confiance à la personne pour connaître son public et les goûts de celui-ci.

… et moi

Essayer d’être efficace, concise et s’adapter à son interlocuteurice ça ne veut pas dire lâcher la sincérité. Quand je présente des jeux, c’est pour transmettre une étincelle, partager une émotion de joueuse avec d’autres personnes. J’ai l’impression que quand on dit que quelqu’un « parle bien de jeux » c’est qu’il arrive justement à faire passer un truc.

Je considère que mes émotions à moi ont complètement leur place dans le bazar, soit parce que j’ai l’oeil brillant, la voix qui s’emballe un peu, soit parce que je le dis carrément : « moi j’ai adoré ce jeu », « je ne suis pas objective l’univers me parle à fond, de base », etc.

Cités abîmées pour la route

Et à titre d’exercice, j’en profite pour te re-teaser Cités abîmées de Côme Martin, parce que plus ça prend forme plus ça va être incroyable, tu n’imagines même pas !

C’est donc le prochain jeu à paraître dans la collection Jydérie. Ambiance surréaliste années 30, on y incarne des voyageurs qui débarquent à la gare centrale de la Cité, sans savoir que celle-ci a besoin d’eux pour la réparer… et que ça risque de leur en coûter. Plein de configurations sont possibles, mais ma préférée pour ce jeu c’est avec 2 MJ et une ou plusieurs joueuses. Le jeu lui-même fonctionne avec des cartes à jouer, des tables aléatoires et pas mal d’incongruité… ce mélange de quotidien citadin et de folie qui fait la marque de fabrique d’Exils ou d’Itras By !

Garde soigneusement 15 euros dans ta poche pour l’après Octogones, si tout se passe sans accroc la précommande sera en octobre sur le site Dystopia, et la parution en novembre en boutique et librairie !

crédit photo: Stéphane Gallay, sous licence Creative Commons (CC-BY)

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