La maturation d’un média 2

2e volet du Podcast Scénique, enregistré en 2020 en compagnie de kF et Nando, à propos de la légitimation d’un média, où nous avions comparé l’histoire du cinéma et celle du jeu de rôle. L’enregistrement ayant pâti de plusieurs problèmes techniques qui ont rendu l’écoute peu confortable, en voici la transcription écrite.

Se légitimer via un nouveau public

où Nando révèle qu’à ses débuts le cinéma a gagné en légitimité en se tournant vers un public plus bourgeois, adulte et masculin ; là où (autres temps, autres valeurs) le JDR semble faire le chemin inverse, à savoir gagner en maturité en se faisant plus inclusif.

kF : Bonjour à toutes et à tous, on se retrouve pour la suite du podcast sur le cinéma et la maturation du jeu de rôle. On s’était arrêtés en 1907 avec l’apparition de la salle de cinéma. Nando je te laisse la parole…

Nando : Oui, et je reprends la parole en évoquant quelque chose que j’ai laissé de côté, mais qui me semble intéressant pour des comparaisons possibles avec le monde du JDR. C’est que jusqu’à ce moment où le cinéma s’installe comme un spectacle légitime sur les Grands Boulevards parisiens (le lieu de la légitimité sociale de la société bourgeoise de l’époque), jusqu’à ce moment-là fin 1906-début 1907, le cinéma était pensé comme quelque chose qui pouvait plaire surtout à deux catégories humaines : aux enfants et aux femmes. 

C’est une particularité assez précise de ce média, liée au fait que c’est une attraction surtout liée à l’illusion de réalité. A cette époque-là (même aujourd’hui, mais en particulier fin 19e et début du 20e) l’idée que la femme était inférieure à l’homme passait aussi par cet aspect-là, donc il y avait l’idée que les femmes et les enfants pouvaient se laisser tromper par l’illusion de réalité que le cinématographe offrait. Or, du moment qu’il s’installe sur les Boulevards, c’est aussi dans l’idée de Charles Pathé et des autres entrepreneurs de s’ouvrir et se légitimer face au public bourgeois masculin. Je ne sais pas si vous avez des idées par rapport à ça, mais justement pour moi le JDR est assez connoté comme un univers en soi masculin, qui laisse très peu d’espace (au moins dans l’imaginaire) au monde féminin, aux filles. Alors qu’à la base le cinéma est à l’inverse.

kF : J’entends ça, mais il me semble qu’il y a un bémol dans ce que tu dis, tu me diras ce que tu en penses. Tu as quand même présenté le cinéma comme inventé par les frères Lumières, et j’ai l’impression que les forains, les techniciens, les inventeurs qui sont derrière ont l’air d’être plutôt masculins… je comprends que le premier public soit plutôt féminin (et dans un sens visiblement très misogyne) mais j’ai quand même l’impression qu’il y a une origine masculine, une espèce de bizarrerie comme ça.

Et pour faire le lien avec le JDR, effectivement le JDR a cette image initialement traditionnellement masculine, qui à mon avis est connectée aux contre-cultures nerd et geek telles qu’elles se développaient dans les années 70-80. Et en particulier le wargame, qui existe depuis assez longtemps, notamment comme une entreprise – je trouve – d’une mathématisation d’une espèce de réalité guerrière. A la base, un wargame ça va être rejouer des grandes batailles que ce soit en medieval fantasy ou, plus tôt, les guerres napoléoniennes ou des choses comme ça. Il y a un peu cette idée que, certes Donjons & Dragons baigne dans la fantasy donc dans un certain genre littéraire (qui a été dominé pendant un temps par Tolkien, et qui a eu toute l’influence qu’on connaît dans ce monde-là), mais Donjons & Dragons c’est une vision de Tolkien qui est quantifiable, en fait. C’est-à-dire que si j’ai un monstre donné, comme le Balrog, il a un certain nombre de points de vies, un niveau, des points d’attaque… une espèce de mathématisation des choses qui est très connotée masculine dans ce que je pense qui pouvait l’être à l’époque. 

Mais j’avoue que pour pouvoir vraiment affirmer ça, il me manque des connaissances historiques liées à l’époque. En disant ça je me souviens qu’on n’est pas très très loin du développement de l’informatique qui est un moment très féminin, en fait, de l’histoire des sciences dont la mémoire a été complètement perdue ensuite. On a un peu du mal à revenir sur cette période et à attester réellement de ce que le JDR ait été profondément masculin ou pas, parce que les stats ne sont pas vraiment là, les préconceptions restent mais pas forcément les stats. Et bon.

Eugénie : C’est super intéressant. Je pars vraiment dans des grandes généralités, parce que je n’ai pas de recul historique et de connaissances pour appuyer ce que je dis, mais quand tu parles de se diriger vers un public féminin parce qu’on le pense plus facile à tromper, parce que peut-être qu’elles auraient plus d’imagination, qu’elles se laisseraient plus facilement dépasser par leur imagination… Il y a quelque chose en JDR qui est un peu l’inverse, qui est que si beaucoup de femmes ne vont pas vers le JDR c’est qu’elles se disent qu’elles n’ont pas assez d’imagination, et qu’elles ne sauraient pas quoi dire, qu’elles ne sauraient pas créer, elles n’auraient pas l’imagination suffisante pour faire semblant. Je ne sais pas quoi faire de cette remarque-là mais je trouve ça intéressant.

Nando : Et c’est intéressant aussi parce justement donc l’histoire de la légitimation du cinéma, vous comprenez, c’est encore une fois une autre histoire qu’on peut écrire, l’histoire d’une masculinisation. C’est-à-dire que le cinéma est considéré devenir mûr et légitime parce qu’il devient quelque chose de masculin au fur et à mesure des années, et adulte (au sens vraiment d’âge, parce que non plus lié à une réception enfantine mais à un média qui puisse intéresser même les gens de l’âge adulte).

Alors que j’ai l’impression, du peu de mes connaissances JDR, que c’est un peu l’inverse qui se passe chez vous… Il gagne de plus en plus de maturité et de légitimité au fur et à mesure que, d’une origine très macho, il devient de plus en plus ouvert au sens large, à tous les autres réceptions humaines, et il devient une espèce de monde assez inclusif en ce moment, et cette inclusivité va en direction de l’écriture de sa maturité, de sa légitimité aussi en terme social plus large, général. Alors que pour le cinéma c’est parce que cette histoire s’est écrite à toute une autre époque, c’est exactement le contraire. Je trouve ça très intéressant aussi.

[AJOUT A LA TRANSCRIPTION : aucune de nous deux n’a pensé à réagir sur le fait que le JDR a longtemps été considéré comme un loisir adolescent, en tout cas “pas adulte”, à l’image du cinématographe comme spectacle enfantin.]

La période théâtrale et le Film d’Art

où l’on découvre que pour se construire une légitimité en tant qu’art, le cinéma imite les codes du théâtre, un art du spectacle légitime de l’époque

Nando : Une fois qu’il est installé dans une salle et que cette salle occupe le même espace urbain que les théâtres, le cinéma vise à conquérir le public bourgeois masculin qui ne doit pas avoir honte d’aller au cinéma. Parce que ce n’est pas que jusqu’ici les hommes n’allaient pas voir des films, c’est juste que ce n’était pas considéré comme une occupation pour les hommes… donc il y avait des hommes qui allaient voir le spectacle cinématographique avec honte, en se cachant, etc. Alors qu’à ce moment où il s’installe dans un lieu légitime pour toute la bourgeoisie française de l’époque, il cherche à s’approprier des codes du langage qui lui est « frère » on pourrait dire, c’est-à-dire les codes du langage du théâtre. On pourrait juger cette tentative rétrospectivement comme un échec en fait. Mais il y a un moment entre 1908 et 1913 (l’avant-guerre) où le cinéma veut se faire comme le théâtre. 

Et donc il naît une nouvelle société de distribution qui s’appelle Film d’Art. Mais plus généralement, le concept de « film d’Art » s’élargit à toute la représentation cinématographique de l’époque. Et on veut évoquer avec ce terme « film d’Art » l’idée qu’on s’approprie des codes théâtraux pour faire des films. Donc on utilise des gens qui viennent du monde du théâtre : des dramaturges pour écrire des scénarios, des acteurs de la Comédie Française pour jouer le jeu d’acteurs (jusqu’à maintenant c’était des acteurs totalement anonymes ou même pas des acteurs), pour les affiches des grands artistes visuels, pour les décors les chefs décorateurs de l’Opéra de Paris, etc. Tout le monde du théâtre participe et rentre dans le cinéma. Et le cinéma rend des films très théâtraux, avec des personnages à figure entière joués à la façon du théâtre. En plus il s’agit de pièces théâtrales adaptées au cinéma ou de drames ou romans adaptés en films. 

L’ambition est justement de faire un théâtre populaire, un théâtre pour tous à travers le cinéma. Une ambition qui a aussi un côté « idéal » mais le résultat, rétrospectivement, on peut le juger un peu échec parce que ce n’est pas du tout par là que passe la nouveauté et l’écriture cinématographique.

Et aujourd’hui, quand on regarde ces films-là on a l’impression d’un grand ennui, de lenteur, parce que la caméra est très distante de la scène, fixe, sans montage… c’est vraiment du théâtre filmé. L’ambition échoue un peu, mais ça je pense que c’est typique et c’est une question à re-poser au monde rôliste : le cinéma pour se dire légitime essaie de s’assimiler au langage d’un autre art (qui, lui, est déjà légitime). Et notamment le théâtre de la fin 19e qui était déjà la forme représentative la plus légitime de l’époque. Je ne sais pas si vous avez des comparaisons sur le monde du JDR,  des échanges similaires avec d’autres artistiques avec lesquelles il essaie de se légitimer comme la peinture ou je ne sais quoi ?

Open bar sur les codes de tous les arts

où kF et Eugénie font un parallèle avec la façon dont le JDR a pu emprunter lui aussi les codes du théâtre mais surtout ceux de la Littérature ; où Nando poursuit sur les emprunts à la photographie…

Eugénie : Oui, côté littérature il y a L’Appel de Cthulhu, qui nous invite à jouer tout l’univers de Lovecraft, que je trouve assez représentatif. Et je pense qu’il y a aussi toute une école des MJ… qui réfléchissent en termes très théâtraux d’incarnation d’effets spéciaux, de comment placer sa voix, gérer la lumière en termes de mise en de théâtre dont les joueurs seraient des spectateurs participants. Et ça c’est quelque qui est assez mis en valeur dans les Actual Play aujourd’hui qui sont un peu prolongement de cette école-là pour certains. Notamment je pense à Role’n’play où la promo qui a été faite, ça a été de dire « on invite des comédiens qui vont jouer qui sont des professionnels, c’est pas des joueurs et joueuses c’est des comédiens et comédiennes, et quelque part ça légitime le fait que vous allez les regarder » quoi.

kF : C’est vrai que je n’avais pas pensé que le premier média évidemment avec lequel il faut connecter le JDR c’est sans doute les littératures de l’Imaginaire. Qui sont présentes assez fortement dès Donjons & Dragons, dès le tout début. Parce qu’on retrouve par exemple des choses qui sont assez directement piquées à Tolkien avec les Hobbits et les Balrogs (ce qui a valu les problèmes de droit d’auteur à TSR). Et puis les alignements avec la Loi et le Chaos, ça vient assez directement de Moorcock… Et en gros il y a vraiment ce côté patchwork de références littéraires à gauche et à droite. 

Mais tu as raison de citer L’Appel de Cthulhu en particulier là-dedans, puisque quand il est sorti au début des années 80, il se plaçait en rupture par rapport au JDR d’avant (au côté simulation militaire de Donjons & Dragons et son héritage) en proposant des règles plus simples et des parties beaucoup plus centrées sur l’histoire et notamment sur l’enquête. Et il y a cette idée que ça ne reprend pas juste l’univers visuel et les monstres de Lovecraft, ça essaie de reprendre l’ambiance et d’aménager le même genre d’histoires que des nouvelles de Lovecraft. Tandis qu’une partie de D&D en mode dungeon crawling dans un donjon ça ne ressemble pas vraiment à des histoires de fantasy en fait. Je ne me souviens pas de la dernière fois que j’ai lu des histoires de fantasy qui écument un donjon…

[AJOUT A LA TRANSCRIPTION : aucune de nous ne mentionne que le JDR emprunte surtout aux « mauvais genres » des arts légitimes : les littératures de l’Imaginaire ou l’improvisation théâtrale par exemple, des genres dont la légitimité d’art n’est pas établie.]

Nando : Je pense aussi que ce même processus de recherche de légitimation à travers un autre art, la photographie l’a déjà vécu quelques années auparavant. Si vous connaissez un peu la photographie, de façon similaire, à la fin du 19e elle n’est pas encore considérée comme un art et elle essaie de s’emparer de cette étiquette d’art en se rapprochant de la peinture. En effet il y a tout un mouvement qui naît, qui s’appelle le pictorialisme, de photographes qui utilisent les formes et les codes de la peinture.

Et pour la photographie comme le cinématographe, ce genre de période a aussi des effets très positifs : des effets esthétiques, on a des chefs d’oeuvres de la photo pictorialiste, tout comme il y a de très bons films de cinéma issus de ce moment de conception hyper-théâtrale ; et il y a aussi de bonnes choses dans le fait des compétences et des intelligences du monde du théâtre entrent sans plus aucune honte dans l’industrie cinématographique (les comédiens, etc.). Mais comme pour la photographe, le côté positif, productif et créatif de cet échange se termine après très peu d’années en fait. On comprend tout de suite que ce n’est pas la voie par laquelle il faut chercher la légitimité artistique du médium.

La censure comme gage de légitimité

où Nando explique que la censure naît très tôt et de l’intérieur du monde du cinéma, pour garantir des spectacles non-dangereux et donc légitime ; où kF et Eugénie réalisent qu’il n’existe pas d’institution de censure à proprement parler en JDR

Nando : Et c’est à ce moment-là aussi de l’aboutissement des recherches de légitimité par le biais du théâtre qu’est née l’idée qu’il y a besoin d’une censure cinématographique. Ca peut sembler paradoxal, mais c’est au moment même où le cinéma se dote de l’allure d’art, entre 1912 et 1913, qu’il dit “nous, on a besoin de la censure”. La censure naît comme une construction à l’intérieur même du système, pour se présenter face à la société comme légitime. On se censure, vous nous censurez, parce que notre spectacle pourrait être dangereux… et donc on vous assure que la chose qu’on décide de présenter au final est un spectacle digne pour les familles, pour l’homme bourgeois, pour la bonne société. 

Cette idée de censure s’inscrit à ce moment dans l’histoire du cinéma (on pourrait beaucoup discuter de si c’est bien ou mal la censure, mais de toute façon c’est une réalité historique donc c’est comme ça), la censure naît au moment où le cinéma finit son rapprochement avec le théâtre. Est-ce qu’il y a une censure dans le monde du JDR ou vous êtes totalement libres ?

Eugénie : Il y a un dispositif un peu particulier dans milieu du JDR qui est que les parties sont privées. On joue dans le cercle privé, donc ce qui se passe à table, dans le dispositif de base, ça reste entre les gens présents à la table. Ce qui permet tout et son contraire : à la fois de pouvoir se dire on va représenter le Mal, mais on sait qu’on est entre des personnes qui se connaissent et partagent les mêmes valeurs, et il n’y a pas d’ambiguïté sur ce qu’on joue, sur le fait que c’est une représentation et qu’il n’y a pas d’adhésion de notre part. Mais ça peut être aussi le lieu de la roue libre pour des choses qui peuvent faire mal.

Et c’est seulement ces dernières années que, notamment dans la sphère publique comme les conventions, il commence à y avoir des chartes de comportement. Pour les comportements sexistes, etc. mais aussi une exigence de prendre soin de la façon dont les thèmes vont être abordés à la table, dont les joueurs et joueuses vont réagir vis-à-vis de ça. Et c’est ce qu’on appelle la sécurité émotionnelle : faire attention à ce que, par exemple, si on joue avec un public familial on évite d’avoir des scénarios trop trash… Il y a des choses qui peuvent se jouer en convention et d’autres non, et ça commence à être mis sur le papier. Et je pense qu’effectivement on peut le rapprocher de la censure (en tout cas il y a des personnes qui hurlent à la censure depuis longtemps) moi je trouve que c’est plutôt une bonne chose de faire attention à son public, mais voilà ça peut s’en rapprocher.

kF : C’est vrai que dans les milieux dans lesquels je navigue, il y a un certain souci pour la sécurité émotionnelle et les outils de prévention de sorte à ce que les contenus difficiles soient bien balisés à l’avance, etc. Mais on y voit parfois sortir des jeux suffisamment extrêmes pour qu’on se dise “je ne sais pas quel système de censure peut exister en JDR si un jeu comme ça arrive à sortir”. J’ai en tête le Coelacanthes de Thomas Munier. Alors Thomas est un auteur qui sort tout en PDF librement sur son site donc ce n’est pas comme si c’était passé par un éditeur. Mais Coelacanthes c’est quand même le festival des trucs les plus immondes et dégueulasses et horribles. Le jeu a un petit peu fait parler de lui mais ce n’est pas allé beaucoup plus loin que ça, partiellement parce que ça reste une sortie très confidentielle, partiellement aussi parce que le jeu prévient à l’avance de ce qu’il contient et ça n’a jamais vraiment lieu du moment qu’on ne le joue pas, a priori dans un cadre privé et avec tous les warnings qu’il faut. 

Je ne crois pas qu’on ait jamais eu un système réellement intense de censure dans le JDR. Je pense qu’il y a eu quelques restrictions de sortie par ci par là… J’ai en tête notamment INS/MV (son titre français In nomine satanis, magna veritas) où on joue soit des anges soit des démons. Il était sorti aux US sous une forme très rabotée qui ne s’appelait plus que Magna veritas, ils avaient enlevé toute la partie satanique, parce que justement la question du satanisme en JDR était assez touchy. Et je suppose qu’il y a pas mal de jeux qui ont des problèmes à leur sortie sur des questions de copyright. Et je pense que les américains ont des problèmes avec certaines associations chrétiennes… mais bon. Je n’ai pas trop trop d’images qui me viennent en tête de censure réelle, je crois que juste le JDR n’est pas assez important du point de vue public pour que ça ait eu lieu.

Nando : Disons que l’aspect public du cinéma, qui n’est pas privé, a fait en sorte que très tôt dans son histoire naissent ces préoccupations de censure publique, qui ne sont pas une simple autorégulation privée de la chose. Donc c’est un peu partout dans tous les pays, entre 1912 et 1913 que naissent ce genre de structures de censures nationales, avec l’objectif de préserver le public d’offenses à la morale, à la religion, aux pouvoirs publics, etc. Mais avec aussi l’objectif d’être attentif à présenter le Mal d’une certaine façon. Il y avait la peur que présenter des choses négatives puisse inciter les gens qui regardaient à la même action, notamment les enfants et les adolescents. Et c’est dans ce sens-là que se met en place la censure : une peur du pouvoir immersif du cinéma, qui amènerait à reproduire le geste qu’on voit sur l’écran, et donc ce geste doit être représenté d’une certaine façon.

kF : J’ai aussi l’impression que la dimension moins immersive du JDR (au sens où ce n’est pas une expérience qui mobilise aussi fortement les sens) l’a un peu épargné de ce genre de critique et le média naissant qui prend plutôt ça dans la gueule en ce moment c’est le jeu vidéo (enfin c’est plutôt passé que présent mais bon).

Eugénie : J’imagine que le JDR aurait eu droit aux mêmes mobilisations si on avait été suffisamment lourds en fait. Tout à l’heure on parlait du passage d’artisanat à industrie, je pense qu’on est encore à un stade artisanal en tout cas en France… C’est quand même ce qu’on te dit dès que tu commences à jouer. Moi j’ai souvenir, alors que je n’en faisais pas encore à l’époque, d’avoir parlé un petit peu de JDR dans ma belle-famille, et d’avoir entendu immédiatement de la part de quelqu’un qui ne connaissait absolument pas le JDR : “ça c’est des gens qui devraient faire attention à ne pas confondre la réalité et la fiction parce que ça peut être très vite glissant”. Du coup cette peur-là elle existe, et elle existe vraiment fort, je pense. C’est juste que le media n’est pas assez important pour que ça prenne les proportions que ça peut prendre dans le jeu vidéo.

Et il y a un aspect intéressant aujourd’hui, il y a autour de moi plusieurs personnes qui sont à la fois rôlistes et profs, et qui veulent lancer des ateliers de JDR dans leurs établissements scolaires. Et finalement le discours a complètement changé. C’est-à-dire qu’on n’est plus dans “attention c’est dangereux, les enfants ne feront plus la différence entre la réalité et la fiction”, mais c’est plutôt “ah super une activité sans écran, ça c’est bien pour nos enfants”. Du coup, voilà, il y a eu un twist avec les années.

Porter la culture à tous et toutes

où Nando évoque l’élan éthique du cinéma, qui semblait apte à démocratiser le théâtre, à porter la culture institutionnelle aux publics populaires dans une mission d’éducation

Eugénie : Sur ce chapitre-là, tu voulais parler aussi d’un élan éthique idéal, Nando ?

Nando : Oui, quand le cinéma prend cette forme théâtrale, l’idée est bonne c’est pas pour juger négativement les choses, il y a l’idée de partager la grande culture à tous. Et donc l’idée que le cinéma est l’outil pour faire du théâtre pour toucher un public plus large, et populaire… Donc adapter les grandes pièces du théâtre au cinéma pour les répandre à tous les niveaux. Donc il y avait cette espèce d’idéal éthique, d’élan éthique du théâtre populaire. On se dit à un moment donné : le cinéma c’est quelque chose pour les masses qui réunit le public le plus large possible – aucun média n’avait réuni un public si large – on a une mission en fait. Ce sentiment n’abandonnera jamais le cinéma, mais il naît justement dans ces années-là. Et malgré le fait que l’aboutissement immédiat que la forme théâtrale n’est pas la meilleure solution trouvée, l’idée de cette mission est intéressante pour parler de la maturation et de la légitimation du média. Parce qu’à un moment, les gens qui le font se sont sentis investis d’une mission d’éducation.

Eugénie : Moi ça me fait penser à plusieurs choses de façon décousue, je compte sur vous pour faire des liens plus propres ! Mais il y a quelque chose qui est complètement l’inverse du JDR : le JDR est un loisir de niche avec un public quand même réduit, un public très homogène mine de rien, tout à l’heure on disait très masculin mais c’est aussi aussi des CSP assez homogènes, c’est aussi un public blanc, voilà. Et en même temps c’est un média qui se rêve mainstream. Il y a un élan aussi, une mission aussi, d’aller porter la flamme du JDR dans le monde, quoi. D’aller faire de l’initiation, d’essayer d’attirer les gens, il y a tout un vocabulaire dans le média qui trahit cette volonté de se faire connaître en fait et de transmettre le JDR. Là ce n’est pas transmettre la Culture, mais transmettre la passion pour le média lui-même. 

Nando : Oui, l’éthique dans votre cas c’est vraiment l’éthique du missionnaire du JDR alors que dans le cas du cinéma il y a eu la mission pour le contenu de ce que le média montrait.

Eugénie : Et la mission pour le contenu j’ai l’impression qu’on l’a aussi mais beaucoup plus tard… (j’anticipe peut-être sur ce dont on parlera après). Moi c’est quelque chose que j’ai découvert avec le forum des Ateliers imaginaires et le podcast de La Cellule, l’arrivée à un moment d’une réflexion sur le JDR et l’ambition d’en faire un Art, et se dire on va sortir des thèmes du divertissement de l’aventure pour aborder des thèmes forts pour avoir un propos politique, pour transmettre quelque chose qui soit sérieux, orienté. Et je soupçonne que ça a un lien avec ce même élan éthique là. Et qui aujourd’hui se retrouve pas mal dans toute une scène indépendante qui joue beaucoup en disant “on va profiter du JDR pour travailler des interactions sociales qui soient plus humaines, pour aller vers une meilleure compréhension de l’autre, pour essayer de transmettre un savoir-être, un savoir-vivre, une sensibilité à des cultures qui ne sont pas les nôtres”, ce genre de choses… et ça c’est aussi à mon avis de l’ordre de l’élan éthique.

kF : Je te suis tout à fait et pour continuer dans cette direction, je crois effectivement que la question du contenu narratif des JDR est l’une de celles sur lesquelles moi j’aimerais parler dans un certain sens d’immaturité du média. C’est vrai qu’on a introduit ça au début du podcast et on n’en a pas trop-trop parlé. Et en fait, le constat que je fais c’est que l’aventure reste immensément dominante dans le JDR. Que ce soit l’aventure “les donjons les monstres” , l’enquête horrifique vers toutes sortes de mystères étranges à la Cthulhu ou pas, il y a beaucoup de formes de JDR qui de près ou de loin proposent ça. Des personnages en mouvement, en quête de choses importantes et ainsi de suite. Et en termes de contenus, les jeux qui proposent autre chose, comme parler de moments d’apaisements, de vivre ensemble, d’évoquer des moments politiques effectivement… ces jeux sont beaucoup plus marginalisés et surtout ils n’ont pas de place dans l’espace de discussion dominant.

On reparlera de cet espace-là plus tard mais ça préfigure il me semble un des premiers grands points que je voulais faire sur le sujet, qui est effectivement que ça c’est un élan qui est en cours et qui n’est pas terminé : l’ouverture, l’élargissement des schémas narratifs et des possibilités narratives du média, en fait, sans même changer son dispositif.

Construire une grammaire à soi

où la nouveauté pour le cinéma se passe aux Etats Unis avec l’émergence de son propre langage, et où le JDR semble encore en train de balbutier le sien

Nando : Pour reprendre le fil de l’histoire du cinéma où on l’avait laissée, quand le cinéma est légitime comme dispositif spectaculaire grâce à la salle, qu’il assume cet élan éthique de mission avec en contrepartie la naissance de la censure (si on peut lier le positif et le négatif comme ça) en termes de langage il est encore assez immature on pourrait dire. Les tentatives en direction du théâtre n’ont pas donné satisfaction et c’est plutôt du côté des Etats-Unis que la réflexion sur le langage permet vraiment une avancée vers la légitimation en tant qu’art pour le cinéma.

Aux Etats-Unis, il y a toute une génération de cinématographes (notamment Griffith, Charlie Chaplin, etc.) qui comprennent que le cinéma ne doit pas s’assimiler aux autres langages des autres arts, mais qu’il a son langage spécifique à lui. Et c’est par le biais de l’exercice de ce langage qu’il peut vraiment accéder au rang d’art. C’est la grosse nouveauté qui se passe pendant les années de la 1ère Guerre Mondiale, avec ces cinéastes qui inventent toute une grammaire filmique, alors que jusqu’à présent on ne voyait pas vraiment des films. Le film naît à ce moment-là, notamment avec l’invention du montage (découper une action en plusieurs prises de vues, en plusieurs plans). Un gros plan, un plan large, un plan américain articulent l’action et cela permet de raconter vraiment, de visualiser le récit et l’histoire mieux que si on se plaçait face à une scène avec une caméra fixe en prenant l’image théâtralement.

Cette invention de la grammaire du film a lieu à ce moment aux Etats-Unis, grâce à un certain personnage très controversé, Griffith. Controversé parce que son film le plus connu La naissance d’une nation est un film raciste qu’on ne peut pas regarder aujourd’hui, parce qu’il montre les membres du Klu Klux Klan comme des héros et tous les noirs comme des méchants… D’un point de vue éthique c’est un film insupportable, mais d’un point de vue linguistique il représente une nouveauté totale parce qu’il invente et introduit une grammaire dans la sphère cinématographique. Donc le montage, le montage alterné, le montage parallèle, des gros plans (et il utilise les gros plans de façon expressive, pour souligner la psychologie des personnages) tout ça est une nouveauté totale dans l’histoire du cinéma. Et ce sera une explosion aussi dans le contexte français. Quand ces films sont reçus en France pendant la guerre, ils vont créer un gros engouement pour le cinéma américain. Et le cinéma français qui était jusque-là un cinéma théâtral, et bien il va en souffrir énormément.

kF : La question du langage, elle est passionnante et très compliquée à traiter en JDR parce qu’on peut l’aborder sous beaucoup d’angles différents. Et j’ai l’impression que ça c’est vraiment un des points sur lesquels il faut encore faire de la théorie pour comprendre un petit peu. C’est un truc auquel je m’intéresse beaucoup, notamment autour des théories de Valentin (j’espère le récupérer sur un autre podcast pour parler du langage du JDR à l’occasion). Parce que j’ai le sentiment que le langage du JDR est multiple, et dans un certain sens il est tellement évident qu’on ne le pense pas et qu’on ne le voit pas. Quand on présente le JDR on dit que c’est un jeu où on raconte des histoires. Il y a une espèce d’impression de naturalité du langage là-dedans : il suffit de raconter l’histoire, le ou la MJ va raconter le truc et puis les joueurs et joueuses vont raconter leur personnages et c’est parti.

En soi, la façon de faire des échanges rôlistes est assez particulière. Le JDR classique a sa façon de fonctionner, qu’on peut chercher à décrire en termes de grammaire. Et il me semble qu’on a un certain rapport avec ce langage qui va en deux sens différents : d’un côté il y a cette naturalité dont je viens de parler qui est “il suffit de raconter une histoire, tout le monde sait faire”, et d’un autre côté il y a le discours sur les règles. Les règles sont vues comme un appui, que ce soit pour la simulation ou plus largement maintenant pour la  narrativité, ou pour quoi que ce soit d’autre. Et on réfléchit sans cesse aux règles, à ce qu’elles permettent de faire, ce qu’elles permettent d’avancer, etc. en ce que dans une certaine mesure les règles structurent la discussion de JDR. 

On a beaucoup discuté de ça avec Valentin, aujourd’hui on manque d’outils, on manque de vocabulaire pour parler du dispositif de discussion même du JDR. Sans parler encore de l’introduction des règles formelles (des jets de dés, des moves à la PbtA etc.) mais juste de savoir quelque part comment caractériser nos échanges rôlistes, quoi. Pour terminer juste là-dessus, je crois qu’on a une certaine idée de ce que c’est que la grammaire des règles, comment les règles fonctionnent, mais qu’on s’illusionne un petit peu à croire que c’est la seule forme de langage. C’est celle que l’on design le plus, c’est le plus facile à concevoir autrement. Mais qu’on manque encore d’éléments pour parler de la façon dont on parle du jeu libre, du langage en lui-même. 

Et ça se voit notamment dans un énorme focus dans la fiction. Quand je vois la façon dont sont présentés des JDR classiques, traditionnels, souvent ils ne mettent pas en avant leurs règles (dont on espère qu’elles vont suivre le propos et faire ce qu’il faut, mais elles ne vont pas forcément avoir une place prédominante dans tout ça). Mais on met en avant les histoires qu’on pourrait raconter, et surtout le contexte dans lequel elles pourraient avoir lieu, l’univers. On présente un JDR en disant “l’univers de machin c’est comme ça, il y a des dragons, il y a du cyberpunk” ou autre, en sous-entendant le langage rôliste comme s’il était naturel. Il n’y a pas besoin de dire comment ça se joue, on sait déjà. Ce qui est à mon avis un manque justement. On ne présente pas assez les jeux en termes de langage, mais on ne sait pas encore bien décrire ce langage-là.

Et le “on peut tout faire” est une idée un peu fallacieuse. “On peut tout raconter”… non c’est pas vrai en fait, on ne peut pas tout raconter dans le JDR. La seule limite n’est pas l’imagination, je ferai peut-être un podcast juste là-dessus à l’occasion. Et on a du mal à voir ce qui est ou n’est pas possible, au juste.

Eugénie : Moi je voulais rappeler que c’est tout récent en fait, qu’on commence même à imaginer la possibilité d’une grammaire en JDR. Il me semble que la conférence de Jérôme Larré sur la grammaire du JDR date de 2014, à Orc’Idée. Et dans cette conférence-là, Jérôme Larré intuite qu’il nous manque quelque chose mais il ne nous dit pas ce que c’est. Il prend en exemple la bande dessinée où l’unité grammaticale c’est la case, le cinéma où l’unité c’est le plan… et il nous manque une unité pour penser la grammaire du JDR, la façon dont les choses vont s’articuler pour produire du sens.

En 2016, Vivien Féasson sort le 1er article de sa série Pour une grammaire du JDR où il pose comme unité de base l’échange. Le fait qu’une personne fait une proposition, et quelqu’un d’autre va y répondre, et ça s’emboîte comme ça. Cet échange-là peut être une unité et on commence à pouvoir penser certaines articulations de la conversation comme ça.

En 2018 c’est Valentin qui fait une synthèse de tout ça dans le podcast L’herméneutique du JDR sur La Cellule et il pose qu’on peut étudier la partie comme un texte linguistique. Mais ça c’était il y a deux ans, c’est hyper récent en fait ! Et il y a les réflexions que toi tu mènes pour penser la poésie en JDR, qui jouent avec la forme. Moi je me pose des questions de style, qu’est-ce qu’une figure de style en JDR… mais toutes ces réflexions-là elles sont extrêmement récentes.

Et si elles sont récentes, c’est parce que jusqu’ici on a étudié le JDR sous l’angle du game-design (tu parlais des règles) et pas sous l’angle de la façon dont on y joue, de la pratique. Je voulais citer un article de Mathieu Triclot (Game studies ou études du play ? paru en 2012) qui s’appuie sur des textes des années 60 de réflexion sur le jeu, et qui pose que si aujourd’hui dans le milieu universitaire c’est le game-design qui est le plus étudié, c’est probablement parce que c’est un objet extérieur à l’observateur, qu’on peut étudier de façon technique. On peut étudier le dispositif, par contre pour étudier l’effet que ça fait sur les joueurs et joueuses ou la façon dont ils ou elles s’en servent, on est obligé de participer et ça devient une étude très subjective pour savoir ce que c’est que “se prendre au jeu”, ce que c’est que jouer… Et c’est beaucoup plus compliqué à légitimer. Tu disais quand on présente un jeu on parle d’abord de l’univers, c’est vrai, je pense que la 2e étape c’est “on parle des règles”. Mais la dernière étape, c’est “on se dit ce que les joueurs et joueuses font dans le jeu” et ça c’est quelque chose qu’on commence tout juste à faire.

Je trouve que, sur les Courants Alternatifs notamment, c’est très récent de voir arriver ça dans les discussions mais ça commence à venir. La conversation du moment c’est : quand on joue drama qu’est-ce qu’on fait dans le jeu ? On va avoir des relations interpersonnelles fortes, on va mettre l’accent sur les sentiments, etc. Quand on joue le voyage, qu’est-ce qu’on fait dans le jeu ? Es-ce qu’on va décrire, est-ce qu’on va faire des ellipses, se focaliser sur actions longues en peu de mots… C’est tout récent en fait.

kF : J’aurais fait remonter ça au début des années 2000, parce que l’idée de se poser la question de ce qu’on fait en JDR, c’est plutôt une interrogation forgienne même si elle n’est pas formulée comme ça. Les forgiens se rallient beaucoup autour de l’idée du System Does Matter (compris comme ce qui est important c’est la façon dont on joue, la dynamique qu’on a ensemble, et elle dépend des règles de façon assez importante, de sorte qu’on peut façonner l’expérience de jeu à partir des règles, en amenant les joueurs et joueuses à prendre certaines dynamiques très particulières). D’ailleurs je pense que la démarche de Valentin, la mienne et d’autres, c’est de partir de la petite phrase de Vincent Baker “le jeu de rôle est une conversation”, et de la prendre littéralement au mot et de dire « puisque c’est une conversation, de quoi on parle, comment on forme nos énoncés, etc.” et d’aller vraiment dans un niveau micro comme ça. Mais je trouve que ce mouvement-là est directement héritier de l’envie de la Forge. Avec son Big Modèle et ses quatre niveaux qui descendent jusqu’aux instantanés, avec l’idée que chaque mouvement de la partie peut être diminué jusqu’à un niveau minimal… les “éphémères” de la Forge c’est pas très différent des “échanges” de Vivien. C’est un peu plus petit en termes de résolution. Mais il y a déjà cette volonté-là, je pense, de comprendre comment ça marche et de voir comment on peut faire des gameplays alternatifs différents, des nouvelles dynamiques et tout. Et une première tentative de bien comprendre le langage rôliste en lui-même.

Eugénie : Oui c’est vrai. Du coup, j’ai été revoir un peu les échanges qu’on pouvait avoir à cette époque-là, et je suis retombée sur des discussions autour de la grammaire du JDR, qui datent de 2015 sur le forum des Ateliers imaginaires. Et c’est impressionnant comme, à ce moment-là en tout cas, c’est une notion qui n’était pas comprise comme la grammaire d’un film. C’est-à-dire que c’était compris comme un ensemble de vocabulaire qui nous permettrait de parler de game design et de dynamique de parties. Et ce que les intervenants appelaient de leurs vœux c’était un lexique unifié. Mais ce n’était pas forcément une façon de concevoir la structuration et la façon de produire du sens à l’intérieur même d’une partie. 

Et c’était il y a cinq ans. Encore une fois, c’est hyper récent, quoi.

Et peut-être qu’on peut s’arrêter là pour l’instant ?

kF : Et bien à tout à l’heure !


5 responses to “La maturation d’un média 2

  • Stephen Sevenair

    Bonjour
    Je pense à Alice Guy, encore une femme de génie oubliée. Volontairement ?
    Alice Guy est la première à décider de raconter des histoires. Avec La Fée aux choux, on peut considérer qu’elle invente le cinéma de fiction, pose les bases de ce qui va devenir le registre dominant du cinéma comme expression de l’imaginaire collectif. » Un registre qu’elle ne cessera plus d’explorer.

    https://www.telerama.fr/cinema/hommage-de-lacinetek-a-alice-guy-la-prolifique-et-visionnaire-premiere-femme-cineaste-de-lhistoire-6634967.php

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  • Stephen Sevenair

    « Mais ça c’était il y a deux ans, c’est hyper récent en fait ! Et il y a les réflexions que toi tu mènes pour penser la poésie en JDR, qui jouent avec la forme. Moi je me pose des questions de style, qu’est-ce qu’une figure de style en JDR… mais toutes ces réflexions-là elles sont extrêmement récentes. »
    Je ne suis pas si sur !
    Je (qui est aussi un nous) pratique le JDR depuis 1983. Et tout au long de ma vie ces questions autour de la création, du style, de la narration, de l’invention, de la découverte, de la structure se sont posées. Mais dans ces années là nous étions peu nombreux, donc peu de chambre de résonance.

    Et puis le JDR était une activité aussi sacrilège que le hard rock !
    En 1999 quand nos enfants (6 ans) nous demandèrent de les faire jouer, nous créions Marmo et ces questions nous hantaient aussi.
    La question de la poésie, surtout, avec une culture nippone très forte, se poser. Mais pas encore de caisse de résonance à cette époque.
    Les pratiquantes ont augmentées, les joueuses se multiplient et leur propre époques s’y agrège. C’est vraiment bien.
    Toutefois, ne pensez pas quand même que le JDR d’avant était juste une activité de gros bill mâle voulant gagner des points d’XP.

    En tout cas j’aime à vous lire.

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    • Eugénie

      Ton commentaire me fait réaliser que j’ai oublié de mettre des liens ! En l’occurrence, quand je parle de poésie ici, je fais référence à la série « Jouer poétique » sur le blog de kF (dont je recommande la lecture !) : https://ristrettorevenants.blogspot.com/2018/10/jaimerais-jouer-de-la-poesie.html

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      • Stephen Sevenair

        Merci, je suis aller le lire. Il dit quelque chose qui m’a questionné :
        « Redirigeons notre énergie autre part : sur les figures, sur les plaisirs des interprétations ambiguës, sur les images. Cherchons quels sont les moyens pertinents pour saper les significations littérales tout en offrant la possibilité d’un sens autre. »

        Je me méfie qu’autour de cette forme de règles ou d’idées mise dans le « contrat social » que cela instaure un jeu de pouvoir dont l’effet est de recréer de la compétition (en montrant ses compétences – même origine étymologique) et qu’alors un combat s’impose, comme en escrime française – vaincre l’autre, plutôt que comme le kendo l’art martial japonais ou le combat est le lieu pour se vaincre soi-même.
        J’ai connu dans une certaine partie a narration partagée, ce combat s’est instauré en jouant justement sur l’argument de l’ouverture « poétique », mais finalement fermant les possibilités du collectif par l’imposition du style de l’un ou l’orgueil et le narcissisme n’était pas absent.
        C’est une partie en 2001 qui me l’a révélé, il nous a fallu collectivement le détecter et ensuite y remédier en sortant justement un moment de la narration partagé.
        Ce désir de dépassement littéraire transporte aussi ses propres écueils, qui sont en fait aussi à dépasser, dans notre cas ce fut en rebroussant chemin un moment dans la partie.
        La forme parfaite, finalement n’existe pas, juste des souvenirs de moment remplis de joie de belles parties. Partie améliorée par le souvenir. Finalement la conversation continue et s’élargie avec l’arrivée de nouvelle génération dans le jeu de rôle.

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