Les ateliers 5

« testé et approuvé »

Je sens bien que tu attends une jolie liste de ce qui existe en GN, avec en face de chaque exercice un petit résumé de « à quoi ça sert » et « les petits trucs à savoir pour le transposer à la table »… Guess what ? C’est pas moi qui vais faire tout le boulot. A la limite, on s’ouvre un fil sur les Courants Alternatifs pour alimenter ça à plusieurs ?

En attendant, voilà déjà quelques exemples dans des genres très différents. Testés et approuvés, avec les retours assez variés que les joueuses m’en ont fait.

 

1. De Mauvais rêves

Dans De mauvais rêves, on incarne les membres d’une famille samy dans un Grand Nord fantasmé. Les personnages nourrissent des rancoeurs les uns envers les autres et sont visités chaque nuit par un esprit, qui entraîne l’un d’entre eux dans des cauchemars éprouvants. La famille veille alors au chevet du dormeur et lui raconte des anecdotes positives, des souvenirs heureux, des mots gentils pour le sauver de ses hantises.

(et voici un exemple de début de partie en mode tuto, pour les curieux)

Bref, pour moi De Mauvais Rêves parle de la difficulté à dire à nos proches qu’on les aime et à pardonner. Autant dire qu’avec ma pudeur naturelle et ma brutalité légendaire, je suis pas hyper outillée pour jouer à ça.

 

Atelier « Phase de veillée », pour prendre en main certaines règles

La phase de veillée est prévue pour exprimer les rancœurs entre personnages. Le système permet de symboliser la participation de notre PJ à la discussion par des jetons qu’on pose en fonction de ce qu’on raconte : soit pour jeter de l’huile sur le feu soit pour apaiser le conflit. Ça demande d’être rôdé une ou deux fois, pour que les dépôts de jetons soient fluides et que les explications n’interrompent pas le drama alors qu’on essaie de faire monter la sauce en roleplay.

L’atelier proposé par Julien Pouard (l’auteur) juste avant notre partie : jouer une discussion conflictuelles à blanc, avec des rancœurs tirées au hasard pour prendre en main les mécaniques de jetons.

Ce qu’on a fait à la place, un peu dans le feu de l’action : s’engueuler pour de faux mais en prenant une situation réelle pour la table (« on ne voulait pas venir chez vous pour jouer », « ça tombe bien vous n’allez pas revenir de sitôt ») laquelle tout le monde devait participer, d’une façon ou d’une autre (pour apaiser ou pour attiser).

Mauvais plan, j’y reviens dans le prochain billet : un joueur qui n’aime pas particulièrement le conflit dans la vraie vie n’a pas du tout kiffé l’ambiance.

 

Atelier « feel good », pour s’entraîner à dire des choses gentilles

C’est bête, mais dire des choses aimables ne m’est pas facile (!). Pour l’avoir déjà jouée, je savais que la phase de nuit n’est pas évidente pour moi. Les proches se rassemblent auprès du joueur-cauchemar pour l’aider à sortir de son mauvais rêve, en lui racontant des anecdotes positives, en lui disant des choses gentilles.

L’atelier : une joueuse sort de la pièce, les autres se mettent d’accord sur une phrase courte et chargée émotionnellement à lui adresser (« quelle belle coupe de cheveux », « il était bon ton gâteau », « tu es une belle personne », etc.). Quand la joueuse revient à la table, et on lui adresse cette phrase d’une seule voix, tous en même temps. Elle doit donner à voir une réaction, tout de suite, quelle qu’elle soit (« merci », « oooh », *éclat de rire). Et on passe à la joueuse suivante, qui sort de la pièce, etc.

Gros plaisir d’Eugénie sur cet atelier. Le fait de préparer une surprise agréable pour une joueuse absente, de compter jusqu’à trois entre nous pour la lui adresser d’une même voix, de sortir à mon tour pour que les autres me préparent quelque chose juste pour moi, c’était une très chouette complicité et une très belle énergie partagée.

Astuce : l’atelier est transposable pour des jeux à drama ou à émotions téléguidées (type Headspace) en remplaçant une phrase « gentille » par une phrase chargée d’une émotion tirée au sort, comme la peur, la tristesse, la colère, etc.) : « il est mort » ; « tu me manques » ; « ATTENTION DERRIÈRE TOI ! », etc.

 

Atelier « Je t’aime / je te déteste », pour s’autoriser à dire des choses fortes

Encore une fois, cette proposition-là correspond à un besoin personnel et lié au jeu. Je ne crois pas avoir dit ou entendu beaucoup de « je t’aime » ou « je te déteste » dans mes parties, tous jeux confondus. Là, je savais que DMR jouait sur ça, sur des « je t’aime » et « je te déteste » mal coordonnés entre membres d’une même famille, sur des volontés de réconciliation qui se heurtent à des rancœurs, et sur des rancœurs incomprises ou à sens unique.

L’atelier : chaque joueur a 2 phrases à adresser à quelqu’un d’autre : « Je t’aime » et « Je te déteste ». Rien d’autre, pas de description, pas d’explication, pas de contexte, juste 3 mots au choix.

Une joueuse A s’adresse à une joueuse B pour lui dire « Je t’aime » ou « Je te déteste ». La joueuse B répond au choix « Je t’aime » ou « Je te déteste ». Puis elle se tourne vers une joueuse C et lui adresse la phrase qui lui reste (« Je te déteste » ou « je t’aime »). C répond puis se tourne vers D, etc. A la fin, chacune doit avoir dit ses deux phrases et chacune doit avoir pu parler.

L’atelier en lui-même m’a moins convaincue que le précédent en terme de sensation, mais il m’a paru intéressant et utile néanmoins vu ma propre difficulté à prononcer ces phrases d’un ton convaincant (d’ailleurs, je n’ai pas été convaincante mais on s’en fout, c’est de l’atelier).

Et une autre joueuse a tenu à faire un 2e tour pour jouer avec des variations et voir ce que ça donnait. 2e tour pendant lequel je me suis retrouvée à l’écart du cercle des phrases par inadvertance : comme quoi, il y avait encore de l’écoute à travailler pour faire gaffe que tout le monde puisse parler.

 

2. Inflorenza à la manière de Patient 13

J’ai joué récemment 2 parties d’Inflorenza dans un théâtre inspiré de Patient 13 (que j’avais bricolé moi-même de mes petits doigts de fée). J’étais pas hyper sûre de moi, parce que je proposais cette expérience-là dans le cadre de l’Udocon, où les jeux sont plus fun que « à chouine », et je ne connaissais quasiment aucun des joueurs à ma table. Déjà qu’elle stresse facilement, là je te fais pas de dessin, ça serait un coup à trouer la feuille.

(je travaille actuellement sur les CR et je reprends le théâtre au propre, ça arrivera d’ici quelque temps)

Vu le thème (youpi l’enfermement psychiatrique et la maltraitance médicale ; youpla le mindfuck et le jeu en perte de repères), j’avais inclus 2 ateliers dans le théâtre, inspirés de mon expérience Millevaux Oui/Non avec Thomas Munier.

 

Atelier mindfuck

Les joueuses incarnent des Supérieurs (des médecins), alors que dans le jeu nous ne pourrons ensuite jouer que des Patients. Les Supérieurs errent dans les couloirs, visitent leurs patients ou entrent dans leur bureau. A chaque fois qu’ils ouvrent une porte, la réalité est bouleversée : inversion des couleurs, de la gravité, vision étrange, boucle temporelle, projection psychique, réalité parallèle, bref tout ce qu’on veut mais on y va.

Pour cet exercice, la parole est libre : pas de dés, pas d’instance, juste la possibilité de dire « non » s’il y a un inconfort (vague) et de sortir la carte X s’il y a un problème.

Les deux parties que j’ai jouées ont provoqué des résultats très différents (qui correspondaient à des énergies et volontés très différentes autour de la table) : orienté expérimentation d’un côté, construction de l’autre, pour résumer grossièrement. Dans les deux cas, des joueurs ont exprimé leur envie de quelque chose de plus posé et plus construit pour la partie à venir ensuite.

Et dans les deux cas, la parole libre a obligé tous les joueurs à faire particulièrement attention à leur prise de parole et à leur position dans le groupe : rester sur un enchaînement fluide sans couper la parole, prendre son tour implicitement sans qu’un joueur se sente lésé ou muselé. #utile

 

Atelier Patient 0

Un joueur prend place en bout de table sur la chaise du Patient 0. Les autres sont tous MJ (et donc incarnent souvent des Supérieurs, mais pas forcément) et lui font tour à tour une proposition dérangeante : décrire des trucs médico-organiques dégueu, jouer sur la sensibilité aux enfants (Mais… papa pourquoi tu les as laissé m’emmener ? Papa ?), sur l’espace (un joueur est passé derrière moi, sans que je puisse voir ce qu’il faisait ou allait faire, c’était assez flippant), sur le corps (un joueur a caressé les bras d’un Patient 0 de façon hyper malsaine), sur la voix (j’ai hurlé sur un Patient 0 alors qu’il était à peine assis) etc, etc.

De son côté, le Patient 0 peut accepter la proposition en jouant l’impact : juste une réaction, un complément de scène et c’est terminé, on passe à la proposition suivante. Ou il peut dire simplement « non », et coupe et on passe à la proposition suivante.

Je dois dire qu’on a été assez créatifs sur cet atelier, notamment avec la première table, où nous nous sommes obligés à faire chacun une proposition à chaque Patient 0 (à cinq joueurs, ça faisait 25 propositions à jouer, c’était beaucoup). Ça nous a pris beaucoup de temps (sans que ça gène en terme de timing) et ça nous a forcés à chercher encore de quoi donner aux Patients 0 alors que nous n’avions plus d’idées. Sur la 2e table, j’ai réduit à 2 joueurs font une proposition au Patient 0 et ça a été presque trop vite… Il y a encore un équilibre à trouver.

A noter que j’ai été la seule à dire « non », mais qu’il a été prononcé. Et que deux autres joueurs ont découvert dans leurs tripes l’aspect sécurisant et important de la carte X posée sur la table (ils le savaient intellectuellement avant, mais c’est pas pareil) même s’ils ne l’ont pas utilisée.

 

Voilà pour les derniers tests en date. Je range un peu et je défroisse les enseignements à retirer de tout ça, et je reviens. Je sais que c’est long et qu’elle raconte beaucoup sa vie… A la limite, si tu veux aller à l’essentiel, je rappelle que tu peux retrouver des ressources pointues et exhaustives dans le tout premier billet de la série. Là c’est plutôt le rythme estival et les tâtonnements d’Eugénie-la-bricole.

 

crédit photo : fossilmike (CC BY 2.0)


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