Les ateliers 2

Bon Eugénie, t’es mignonne, fraîche, adorable et tout (merci) mais tes machins là, c’est limite pas du jeu de rôle, alors qu’est-ce que tu veux qu’on en fasse dans nos parties à nous ?

Justement… Est-ce qu’il n’y aurait pas des manques dans nos parties vraiment rôlistes qu’on aurait pu corriger avec 30 minutes d’atelier bien pensées ?

 

Les relations entre PJ

Pour reprendre une vieille partie des Chroniques oubliées, nous avions défini nos personnages ensemble et brossé vite fait quelques relations avant de commencer. Nous étions enthousiastes à l’idée que mon barbare avait fait serment de protéger l’ensorceleuse (classique). Dans ma tête, c’était un bodyguard qui la suivait partout, avec quelque chose de canin ; dans la tête du joueur de l’ensorceleuse, c’était un protecteur à distance, un peu mystérieux, un peu mentor. Autant dire que la mise en jeu nous a fait bizarre à tous les deux, et qu’on s’est traîné ce malentendu sur plusieurs sessions.

J’ai refait le coup tout récemment sur notre campagne de Burning Wheel, où j’étais persuadée de partager une relation d’amitié avec un autre PJ alors que celui-ci était convaincu d’être dans une relation maître-esclave. Après moultes scènes un peu cheloues, c’est la douche froide quand je comprends le malentendu. Et va corriger le tir à trois sessions de la fin de la campagne, c’est trop tard.

En GN, ils ont des ateliers pour travailler les relations entre personnages. Que ce soit pour s’accorder sur ce qu’on joue vraiment, ou pour travailler à exprimer une certaine intimité, de l’amour-passion, du ressentiment ou une haine implacable. Il y a probablement des « trucs » qu’on peut se refiler entre joueuses (comment tu fais toi ?), ou même juste prendre le temps de jouer une ou deux scènes gratuites, sans lien avec la partie à venir, pour se « trouver ».

 

La prise en main de l’univers

Pour reprendre une ancienne campagne d’Eclipse Phase où ma table du lundi était au top :
– le groupe de PJ avait une super dynamique (pour la première fois) ;
– nous étions plusieurs à avoir potassé le livre de base pour mieux appréhender les règles qui s’appliquaient à nos persos ;
– nous étions tous des lecteur de SF et les idées qu’Eclipse Phase développe tout azimuts (économie de réputation, absence de vie privée, ego désolidarisé du corps, etc.) ne nous étaient pas inconnues…

Pourtant l’univers est tellement dense et les idées tellement vertigineuses, que nous ne savions pas comment jouer le quotidien de nos persos. Nous étions très souvent bloqués sur des questions de base : quel genre de comportement adopter, qu’est-ce qui avait de la valeur pour nos PJ, qu’est-ce qu’ils pouvaient faire, etc.

Prendre une session pour jouer des scènes-vignettes de quotidien dans cet univers, même pas forcément avec nos PJ (pour les protéger de nos erreurs de noobs) n’auraient peut-être pas fait de mal pour qu’on puisse commencer la campagne en appartenant déjà à cet univers. Après tout, on avait déjà pris une session entière pour créer les persos sans que ce soit choquant pour personne.

 

Le contrat social

Dans notre partie expérimentale de Millevaux Oui/Non, nous n’avons pas établi de contrat social. Le contrat s’est construit pendant les 30 min de bazar. La confiance aussi. Et c’était bien plus efficace à mon goût qu’un contrat social même clair et précis établi lors d’une discussion en amont de la partie.

Si on se prévoit une expérience intense ou qui touche à des sujets qui me sont un peu sensibles, je vais avoir besoin de garanties. Or, un contrat social posé sans jouer ne me suffit pas pour construire la confiance. J’ai besoin de savoir ce que ça donne en jeu.

Pour reprendre une autre vieille campagne, sur Bloody tears, on a établi en amont que le sexe est un sujet limite pour moi, qu’il peut y en avoir mais pas avec mon PJ et mollo sur les descriptions crues. Je sais que je peux mettre un « – » dans le tchat si je ne suis pas à l’aise. Quand arrive la première scène de « harem », je vois le MC sauter sur le tchat pour vérifier que c’est ok. Pour moi c’est à ce moment-là que la confiance arrive : il se souvient du contrat, il fait gaffe, il mesure ce qu’il dit.

C’est presque dommage que cette confiance-là n’arrive qu’après plusieurs sessions, quand la scène spéciale déboule. Si on avait pris le temps de jouer quelques scènes « pour de faux » avant la partie, avec utilisation forcée des outils de sécurité (pas forcément parce que je suis gênée, mais pour voir ce que ça fait quand je les utilise). Juste pour vérifier que tout le monde tient compte du tchat et baisse bien le volume quand le « – » apparaît, qu’on sait réagir quand un joueur tente de tirer un voile ou brandit une carte X, qu’on voit comment on enchaîne dans ces cas-là… On aurait pu ensuite commencer la campagne chauffés à blanc et direct dans le vif.

 

La prise en main des mécaniques

Sur notre campagne de Burning Wheel, nous avons fait une session entière de création de personnage, puis une session entière d’atelier de prise en main des règles avant d’entamer vraiment la campagne. Les mécaniques de BW étant lourdes et pas évidentes à choper (surtout pour moi), c’était limite vital.

Comment ça s’est passé ? On a posé deux situations vite fait (et sans trop s’embarrasser de où-quand-comment) pour tester le combat (un tournoi pour mon perso) et les duels oratoires (une prise de bec en public pour deux autres PJ). A ce moment-là, on ne s’est pas embarrassés de roleplay ou d’intérêt de la situation ou d’enjeu dans la fiction. Le véritable enjeu était clair pour tout le monde : apprivoiser les règles. On se concentre sur l’os, on ajoutera la viande après.

Personnellement, ce tour d’essai m’a permis d’éprouver direct la vulnérabilité du personnage. A Burning Wheel, quand tu commences un combat, tu fermes les yeux et tu serres les fesses, parce que ça passe ou ça casse. Comme disent nos amis Aventureux, peu importe le nombre de compétences que t’as sur ta feuille, t’es poche, c’est ça Burning Wheel.

C’est une chose d’avoir les règles sous les yeux, c’en est une autre d’éprouver cette sensation-là. Ça a changé assez profondément l’image que je me faisais du perso avant même qu’on commence à jouer. Et je pense que c’était une bonne chose, parce qu’un autre joueur qui n’avait pas pu être présent à l’atelier l’a découvert lui en cours de jeu et ça n’a apparemment pas été agréable.

L’atelier m’a aussi permis de comprendre et corriger un gros manque sur la feuille de perso (impossibilité de se battre à mains nues, pour une guerrière). Et ça aussi, c’était une bonne chose de ne pas le découvrir en cours de jeu, parce que la première scène de bagarre à mains nues est arrivée assez tard, après moults combats. Il aurait été difficile de retoucher à la feuille de perso à ce moment-là.

 

Y’a tout plein à redire sur tout ça, mais je te laisse décanter et je reviens très vite.

 

crédit photo : fossilmike (CC BY 2.0)


4 responses to “Les ateliers 2

  • Gherhartd Sildoenfein

    Une pratique analogue que j’ai déjà utilisée pour des campagnes est celle de jouer un épisode pilote. Un épisode qui va servir à tester le concept de la partie, des personnages, qui va illustrer au moins dans l’ambiance, dans le style, ce qui va suivre dans la campagne. Après la partie, on décide de si le pilote est canon, de ce que l’on garde, adapte ou évacue. Parfois ça fait des trucs un peu étrange quand on décide de jeter totalement le pilote et que l’on adapte fortement, parce qu’il reste tout de même un peu en tête, mais globalement c’est du bénéfice. (Et je ne suis pas sûr que cette petite étrangeté n’en soit pas également.)

    (En pratique de jeu plus opaque, il y a longtemps, je faisais un pilote par personnage, dans une séance 1 joueuse – 1 meneur.)

    J’aime

  • Les ateliers 3 | Je ne suis pas MJ mais...

    […] Mais dès qu’on va se mettre à jouer, tout ça va sortir un peu différemment de ce que j’imaginais. Parce que lorsque je passe de l’abstraction de mon imagination ou de ma feuille de perso au jeu produit à la table, il y a toujours une torsion, une divergence avec laquelle je dois composer. C’est peut-être une limite qui m’est propre que d’autres ne connaissent pas, mais pour moi elle peut être source de malentendus, de frustrations ou de désagréments. Et pas seulement pour moi (cf les relations entre personnages dans le billet précédent). […]

    J’aime

  • Les ateliers 4 | Je ne suis pas MJ mais...

    […] mon côté, j’avais évoqué précédemment l’envie/le besoin de jouer des scènes quotidiennes dans Eclipse Phase pour intégrer les […]

    J’aime

Répondre à Gherhartd Sildoenfein Annuler la réponse.