Les ateliers 1

Bon, le coup de se chauffer avant une partie pour arriver on fire sur le scénar, j’ai pris le pli de t’en parler une fois par an.. Si t’es nouvelle ou nouveau dans la maison, cherche pas, les archives sont là :
– août 2015 : l’échauffement
– septembre 2016 : les ateliers utilisés pour En direct de Pyonyang
– juillet 2017… devine quoi ? BOUM. Elle y retourne.

Mais c’est pas du tout mon marronnier, je nie en bloc. De même que je ne reprends pas du tout ce blog uniquement quand Du bruit derrière le paravent bouge un peu, par une sorte de mimétisme un peu creepy. Ça n’a rien à voir, ok?

 

Matériel théorique et pratique

Les ateliers, c’est un peu le sujet hype du moment vu que le GN c’est tendance, et que là-bas ils bossent dessus depuis longtemps (enfin plus longtemps que nous) (ce qui n’est pas si difficile, tu noteras).

Si tu lis l’anglais, hop, voilà de quoi t’occuper.
Si tu lis le GNiste, tu gagnerais à jeter un œil ici et là.
Si tu veux du matosse prêt-à-jouer, tu as aussi la très chouette collection d’échauffements de Mathieu B. sur G+

Et si tu veux du matériel de pro, il y a la conférence de Jérôme Brand Larré au Colloque universitaire « Engagement et résistances » : 20 min d’intro à la notion et si t’es un vrai pro, tu prends les slides et tu dépiautes. Il y a des noms de mecs et nanas qui ont réfléchi au truc, des références et des mots intelligents, autant dire que tu as de quoi creuser jusqu’à l’hiver.

Par contre, si t’es une briolote du dimanche comme moi, je suis pas sûre que les articles en anglais, les confs et les slides ce soit ton format favori. Du coup, de bricolote à bricolote, je me permets de te dire comment je vois le truc et tu me diras ce que tu en penses.

 

Warnings

Je ne fais pas une thèse en atelierologie, donc ce qui suit, c’est que moi j’entends par atelier, ce que moi j’attends d’un atelier, et ce que moi j’ai testé comme ateliers. Autant dire que ça a ses limites… (surtout que la fille, elle est même pas GNiste, hein).

J’en profite pour évacuer un souci de vocabulaire : j’utilise beaucoup le mot partie pour désigner le moment où on joue l’aventure pour laquelle on est venus participer. Donc quand je dis en amont de la partie, ça veut dire avant qu’on commence tous ensemble à jouer vraiment le truc qu’on voulait jouer ensemble. Exemple : la présentation du jeu en amont de la partie, c’est quand la meneuse ou l’animatrice te sort tes feuilles de perso tout en t’expliquant l’ambiance vite fait. Je sais que c’est réducteur mais pour la fluidité de cette série, on va faire comme si c’était tolérable.

 

30 minutes d’atelier préalable

Récemment, Thomas Munier (who else ?) nous faisait partager une expérience hyper chouette, que je ne suis pas certaine qu’on puisse appeler ça un jeu, mais bon. Plutôt une performance de joueuses, dans le sens de voyons ensemble ce qu’on arrive à produire avec ça et est-ce que c’est possible de jouer avec juste ça ?

La matosse était : l’univers de Millevaux (qui compte comme un ensemble de règles souples) et deux règles « on dit oui à tout », « sauf quand on dit non ».

Nous étions six joueuses et joueurs qui ne se connaissaient pas, ou pas bien. Pas de MJ.

On a commencé par 30 min de jeu pour voir : voir comment ça tourne, voir ce que font les autres, voir tout ce qu’on peut faire, voir ce qu’on ose faire, voir ce que ça produit, etc. Parce que les deux règles « Oui/Non » permettaient de transgresser à peu près tout, sauf si quelqu’un s’y opposait « par inconfort ».

L’idée de ces 30 min, c’était officiellement de pousser les curseurs au maximum pour tester le principe. Aucune règle ne précisait par exemple que nous avions chacun un personnage. Nous avons commencé à 5 MJ pour un PJ, avant de s’emparer chacun d’un élément, voix ou personnage qui nous intéressait. Mais les choses ont pris parfois un tour brutal : ton personnage meurt, je te prends ton personnage et je le jouerai désormais, ton personnage ressemble à ceci (description hideuse). Et des thèmes transgressifs : une pluie acide commence à tomber, oui et c’est du sperme

On a ensuite pris le temps de faire un tour de table où chacun à son tour se retrouvait bombardé de propositions-limites, avec le temps pour chacune de les accepter (en y réagissant dans la fiction) ou de les refuser (en disant simplement « non »). Il y a eu de la mutilation, de la nécrophilie, des bébés-fraises qu’on mange en coulis… Histoire de mieux percevoir ce qu’on pouvait proposer aux autres ou pas, et soi-même ce qu’on pouvait accepter ou pas.

Bref, on a repoussé les murs pendant 30 min de wtf total, un genre d’écriture automatique, hallucinée et foutraque. 30 min pendant lesquelles on a pris la mesure ce que pouvaient faire les autres, de comment dire non gentiment mais fermement (les « non » étant toujours ponctués d’approbation à la table « bon réflexe », « ouf merci »).

Pourquoi c’était important pour moi que ces tâtonnements-là se fassent en amont de la partie plutôt que directement en jeu ?

Parce que nous n’avions pas la pression de faire en sorte que ça marche, ou que ce soit chouette, ou que tout le monde s’amuse. L’accent était mis sur l’expérimentation : on regarde ce que ça donne. Si c’est pourri c’est pas grave, c’est juste pour 30 minutes. Après on efface et on recommence au propre.

Parce que nous n’avions pas la même implication que dans une « vraie » partie : nos persos étaient jetables, nous n’avions pas investi un imaginaire qui nous était précieux, nous n’avions pas encore eu le temps de nous investir émotionnellement dans la partie. Il était plus facile de se dégager des images trash pour les appréhender, plus facile d’accepter des propositions cheloues ou transgressives. Plus facile de se lâcher, finalement, sans risquer de saccager une harmonie, une ambiance, une histoire.

Personnellement, je sais qu’au premier « non » qu’on m’a opposé, je n’ai pas percuté. Le joueur a dû le répéter plus fermement pour que j’en tienne compte et que je corrige ou retire ma proposition. J’étais bien contente de ne pas lui avoir fait ce plan-là en jeu, à un moment où ma proposition aurait été encore plus gênante.

Ensuite, nous avons fait un retour commun : comment on le sent, qu’est-ce qu’on veut pour la partie… De l’avis assez général, nous avions envie d’une vraie histoire, avec une vraie narration et des vrais personnages plutôt que le maelstrom de l’enfer que nous venions de jouer. Dont acte. Maintenant que nous nous étions purgés de notre curiosité et nos désirs de transgressions, nous pouvions reprendre de façon plus posée et paradoxalement plus intense.

Nous avons fait une pause de cinq minutes, avec passage aux toilettes et bouteilles d’eau. Pourquoi je précise ça ? Parce que le fait de couper vraiment entre l’atelier et la partie (en quittant la table, en se parlant brièvement d’autre chose) ça donne à la fois la mesure du trac et de la confiance. Un cocktail de pression et de plaisir anticipé.

Et la partie a été géniale. Narration construite, ambiance à couper au couteau, harmonie entre joueurs et joueuses, descriptions über-classe, personnages attachants, fin parfaite. Quasiment aucune remarque meta, aucun flottement, aucun retour en arrière, aucune tergiversation, etc. 1h15 d’intensité et de fluidité. On en est ressortis tous vidés et ravis.

Et on était tous d’accord pour dire que la grande réussite de la partie tenait dans ces 30 minutes d’atelier préalable.

 

Je m’arrête là parce que je ne veux pas faire un claquage le jour de la reprise, mais rassure-toi la suite arrive. Très vite.

 

crédit photo : fossilmike (CC BY 2.0)


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